Formée à la veille de la deuxième guerre mondiale, la zone franc comprenait toutes les possessions françaises dans le monde. Son but était d’assurer le contrôle de la France sur ses colonies et de les exploiter à son profit exclusif. Après la vague d’indépendances des années 1950 et 1960, la plupart des anciennes colonies quittèrent la Zone Franc pour créer leurs propres monnaies. Seuls quelques pays africains sont restés membres de cette Zone, plus de 50 ans après leur indépendance formelle. Ces pays continuent d’être sous tutelle de la France, car la Zone Franc était et demeure un instrument au service de l’économie française.
La dévaluation humiliante de janvier 1994 avait démontré que le sort du Franc Cfa se décidait à Paris, non à Dakar et Yaoundé, sièges des deux Banques centrales des pays africains membres de la Zone Franc. Après l’avènement de l’Euro, le sort du franc Cfa se décide à la fois à Paris et à Frankfurt, le siège de la Banque centrale européenne (Bce). Tout cela prouve que le Cfa n’est pas une monnaie africaine mais une monnaie étrangère en circulation dans les pays dits « indépendants ».
C’est pourquoi le franc Cfa ne reflète pas les fondamentaux économiques de ces pays. Il n’a servi ni leur développement ni leur intégration, comme devrait l’être une monnaie souveraine. Sur les 15 pays membres, 11 sont classés « pays les moins avancés » (Pma), donc parmi les plus « pauvres » du monde, selon les Nations-Unies. Tous les pays africains membres de la Zone sont au bas de l’échelle de l’indice de développement humain du Pnud.
Cela montre que les prétendus « avantages », liés au Franc Cfa et à l’appartenance à la Zone Franc, sont pure illusion. Au contraire, le franc Cfa et les liens institutionnels entre la France constituent des obstacles au progrès économique et social des pays africains.
Il est donc temps de mettre fin à cette impasse et d’explorer d’autres voies. Le monde est en proie à de grands bouleversements qui remettent en cause les paradigmes classiques et poussent tous les pays à repenser le concept et les politiques de développement. C’est dans ce contexte que notre Réseau exhorte les pays africains à sortir de la Zone Franc et à enterrer le franc Cfa.
Arguments pour la monnaie souveraine
La souveraineté monétaire est des principaux symboles de l’indépendance d’un pays. En effet, l’histoire enseigne que la monnaie est symbole de souveraineté, tout comme l’hymne national et le drapeau d’un pays. La souveraineté monétaire est l’affirmation de la volonté d’un pays de prendre en main sa propre destinée, son développement économique et social. C’est pourquoi la décision de créer une Banque centrale et de battre monnaie est parmi les premiers actes symbolisant l’indépendance et la souveraineté d’un pays.
Excepté le cas de la Zone Franc et du franc Cfa, on n’a jamais vu un pays devenu indépendant confier la gestion de sa monnaie à l’ancienne puissance coloniale. La question de la monnaie est même un problème de sécurité nationale. Cela explique pourquoi les pays mettent en place des dispositifs pour faire échec aux contrefacteurs, qui peuvent saper la valeur d’une monnaie et ruiner ainsi l’économie d’un pays.
La monnaie souveraine est un des instruments-clés au service du développement d’un pays. En effet, la souveraineté sur sa monnaie permet à un pays d’adopter des politiques monétaires destinées à servir les objectifs fondamentaux de transformation économique et sociale. Or, une monnaie comme le franc Cfa ne permet pas aux pays africains de le faire. Leur politique monétaire est dictée plus par le credo monétariste de la Banque centrale européenne (Bce) et des objectifs de politique économique de la France plutôt que par leurs priorités de développement.
Sur le plan sous régional, une monnaie souveraine serait également un puissant instrument pour accélérer l’intégration économique et l’élaboration de politiques d’industrialisation viables. L’utilisation d’une monnaie sur laquelle les pays exercent leur contrôle permet à ces derniers de mettre en place des politiques communes de manière plus effective sans avoir à se soucier de relations institutionnelles avec une puissance étrangère.
En outre, la question de la monnaie souveraine devient un impératif à la lumière des transformations majeures dans les années à venir au niveau sous régional et continental. Au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), l’entrée en vigueur du tarif extérieur commun (Tec) en janvier 2015 va poser d’énormes problèmes de compétitivité dans la sous-région pour les pays membres de la Zone Franc. Au niveau continental, les projets de la Commission de l’Union africaine de créer une Banque centrale africaine et un Fonds monétaire africain au cours de la prochaine décennie interpellent tous les pays africains à repenser leur politique de développement dans la perspective du processus d’intégration continentale.
Pour toutes ces raisons, les pays africains de la Zone Franc doivent impérativement mettre fin au franc Cfa et s’engager résolument dans le processus de création d’une monnaie unique au sein de la Cedeao. C’est la seule alternative qui soit conforme à leur intérêt supérieur et compatible avec les transformations en cours à l’échelle continentale et mondiale.
Le Réseau africain pour la souveraineté monétaire (Rasm) est un réseau à vocation panafricaine visant à mobiliser l’opinion dans les pays africains membres de la Zone Franc et au-delà pour mettre fin à l’existence du franc CFA et de tous les accords monétaires avec la France.